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“Nous anticipons plus que jamais une baisse de l’euro par rapport au dollar en 2014”

“Nous anticipons plus que jamais une baisse de l’euro par rapport au dollar en 2014”




Eric Buffandeau, Groupe BPCE, nous révèle les menaces que fait peser le dollar sur les autres devises en 2014.

La politique monétaire américaine semble vouée à déterminer l’évolution de toutes les devises du monde en 2014. Quelles menaces identifiez-vous ?

La normalisation progressive de la politique monétaire – tapering – menée par la Fed a débuté en décembre et se prolongera jusqu’en octobre, mois où les rachats mensuels d’actifs auront totalement cessé. Ce processus vient confirmer une reprise américaine assise sur des bases solides, fondées sur le redémarrage de l’immobilier résidentiel et l’investissement productif. Le rythme du durcissement monétaire dépendra notamment de l’évolution du taux de chômage. La politique monétaire demeurera, en effet, très accommodante tant que le taux de chômage n’aura pas durablement baissé sous la barre des 6,5%, ce qui évitera probablement toute hausse des taux directeurs avant la mi-2015.

On le sait, l’évolution du dollar est pro-cyclique : une économie américaine dynamique s’accompagne généralement d’un dollar soutenu, et inversement. Nous l’avons vu en mai 2013, quand l’éventualité de l’annonce du tapering a induit une appréciation du dollar (par exemple, l’euro est retombé temporairement en dessous de 1,28$ à l’été 2013), une hausse des taux longs vers 3% et une crise des devises des pays émergents en proie aux plus sérieux déséquilibres structurels : déficits courants et publics importants et inflation élevée. Ces derniers ont alors un plus grand besoin de financement extérieur, pour ne pas brûler leurs stocks de réserves de change.

Plus récemment encore, la dévaluation du peso argentin (11% sur le seul jeudi 23 janvier 2014) illustre que c’est bien sur les devises émergentes des pays en déséquilibres structurels que le dollar, censé s’apprécier du fait du tapering, fait peser la menace la plus lourde. Ainsi, les devises émergentes des pays qui ne cherchent pas à corriger suffisamment leur déficit extérieur au prix d’un ralentissement économique devraient en toute logique demeurer affaiblies tout au long de 2014.

A contrario, le won coréen, certes un peu chahuté au cours de l’été 2013 vis-à-vis du dollar, pourrait se distinguer puisque la Corée du Sud ne connaît pas la même dépendance que ses voisins émergents aux capitaux étrangers : le solde de sa balance commerciale demeure très élevé, même s’il se réduit, induisant un excédent extérieur (balance courante) de plus de 6% du PIB. De même, le yuan semble voué à s’apprécier, comme on l’observe historiquement dans les pays en puissant rattrapage économique, soit par la hausse du change nominal, soit par celle de l’inflation (change réel). Cependant, la volonté chinoise de stabiliser son système financier peut temporairement freiner ce processus à courte échéance.

L’euro va-t-il réellement baisser par rapport au dollar ?

En 2013, l’atténuation du risque d’implosion de la monnaie unique, la fin de la récession européenne, une balance courante largement excédentaire et la surliquidité en dollars et en yens ont conduit à une hausse de l’euro jusqu’à 1,39 dollar le 27 décembre. Nous attendions pourtant une dépréciation de l’euro sur la base du différentiel de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro. Les spreads de taux favorisaient également les Etats-Unis, où les taux longs commençaient à s’élever. Désormais, le début du tapering induit par la reprise américaine, d’une part, et la politique expansionniste attendue de la part de la BCE, en raison des craintes déflationnistes et de la réduction de l’excès de liquidité bancaire en Europe, d’autre part, conduisent plus que jamais à anticiper une dépréciation de l’euro face au dollar.

L’excédent commercial allemand et le rééquilibrage des déficits extérieurs des pays périphériques du sud, en regard d’un déficit extérieur encore important côté américain, constituent néanmoins une force contradictoire, qui ont retardé le mouvement de dépréciation de l’euro/appréciation du dollar et le pourraient encore. En outre, une amélioration notable dans les pays d’Europe du sud pourrait attirer de nouveau les investisseurs non-européens et induire une pression à la hausse sur l’euro.

A l’inverse, si la crise des dettes souveraines venait à se raviver, ce serait une pression à la baisse que subirait l’euro, scénario qui ne peut d’ailleurs pas être complètement écarté.

Pour l’heure, la trop grande fermeté de l’euro face au dollar provoque plusieurs anomalies. Elle entraîne une dépréciation artificielle vis-à-vis de la monnaie unique des devises émergentes des pays d’Asie qui ont des excédents extérieurs colossaux et une inflation faible. Elle implique une perte globale de compétitivité de la zone, alors que le redressement européen n’est que modeste et fragile. Elle minore les efforts douloureux de dévaluation interne des salaires et des prix consentis par les pays européens du sud, au préjudice d’une contraction de leur activité économique.

Qu’anticipez-vous pour les autres paires de devises principales à la lumière de ces constats ?

Dollar/yen : la politique monétaire japonaise restera très accommodante toute l’année, d’autant que la balance commerciale se détériore encore. Le yen pourrait vraisemblablement baisser jusqu’à atteindre la valeur de 110 yens pour un dollar fin 2014, contre 103 à 104 aujourd’hui.

Euro/yen : l’évolution de cette paire de devises dépend exclusivement de l’évolution de chacune de ces devises par rapport au dollar. Si un euro tend à valoir 1,28 dollar fin 2014 contre 1,37 aujourd’hui, et si, de son côté, le yen atteint les 110 pour un dollar à la même période, cela peut déboucher sur un euro/yen à environ 140,8 à une telle échéance.

Livre/dollar : la livre connaît depuis plusieurs mois un mouvement d’appréciation du fait d’une reprise économique soutenue. Je pense cependant que ce processus touche à sa fin, en raison d’un profond déficit commercial.

D’une façon générale, les objectifs à moyen et long terme semblent plus aisés à identifier pour les devises. A plus court terme, la tendance est brouillée par des effets d’anticipation, des chocs divers porteurs de volatilité.

Propos recueillis par Nadège Bénard

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