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Dollar US : tendance haussière durable

Dollar US : tendance haussière durable




« Le dollar c’est notre devise mais votre problème ». Cette déclaration attribuée au secrétaire d’Etat sous la présidence de Nixon semble être toujours appropriée. Le dollar reste aujourd’hui au cœur de toutes les attentions.

Tout d’abord en Europe où sa faiblesse par rapport à l’euro été dénoncée par une partie de la classe politique qui lui attribue notamment les contreperformances économiques de la zone ces derniers mois…raccourci un peu simpliste pour éluder les questions de fonds sur le rythme des réformes structurelles ou le niveau de l’investissement. Depuis le mois de mai, le niveau de l’euro fait beaucoup moins polémique et pour cause : plus de 8% de baisse face au dollar.

Le premier round de baisse est intervenu en mai lorsque la BCE a indiqué qu’elle agirait dès le mois de juin si l’évolution de la situation le nécessitait.  Intervention confirmée en juin avec une baisse de taux et mise en place de taux négatif sur les dépôts pour inciter les banques à réinjecter leurs liquidités dans les circuits économiques, fin de la stérilisation du programme SMP et annonce de la mise en place de nouveaux prêts ciblés (T-LTRO) pour les banques de la zone euro. Objectif : lutter contre la faible inflation et relancer le crédit aux ménages et aux entreprises. Ce deuxième round a emmené l’euro sur les 1.35$.

Dernier round : nouvelle baisse de taux en septembre avec renforcement du taux négatif sur les dépôts qui passe de -0.1% à -0.2%, mesure « sanction » pour contraindre un peu plus les banques à stimuler le crédit en zone euro. La mesure phare de ce dernier package de mesures reste toutefois l’annonce d’achats d’ABS et d’obligations sécurisées, se rapprochant ainsi un peu plus d’un quantitative easing (QE) sur le modèle de la FED aux Etats-Unis, BoE en Angleterre ou encore BoJ au Japon. Ce dernier train de mesures a propulsé l’euro sous les 1.3000$, la devise européenne ayant récemment touché un plus bas de 22 mois face au billet vert.

Mario Draghi a clairement laissé entendre qu’il souhaitait augmenter la taille du bilan de la BCE pour le faire revenir sur les niveaux de 2012 (à plus de 3000 milliards d’euros contre un peu plus de 2000 milliards d’euros actuellement) soit 1000 milliards d’euros de marge de manœuvre.  La FED de son côté arrive à la fin de son cycle de politique monétaire accommodante, le 3ème QE arrivant à son terme d’ici quelques semaines (85 milliards de dollars d’achats d’actifs mensuels initialement contre 15 milliards en septembre).

La faiblesse de l’euro est non seulement alimentée par l’action de la BCE mais également par le débat qui s’intensifie aux Etats-Unis sur la date de premier relèvement de taux de la FED. S’il ne fait aucun doute que cette remontée de taux se fera en 2015, la période reste incertaine. Janet Yellen continue de tenir un discours accommodant,  visant à rassurer les marchés en éloignant la date initiale mais plusieurs membres votants souhaitent accélérer la cadence. C’est le cas de James Bullard qui plaide pour un relèvement dès le premier trimestre 2015. Se pose non seulement la question de l’ampleur de ces relèvements mais également de leur fréquence…

Ce différentiel marqué dans le rythme des politiques monétaires Europe/Etats-Unis devrait durablement peser sur l’euro, de même que les niveaux d’inflation de part et d’autre de l’Atlantique ou encore le différentiel de dynamique de croissance (le nouvel affaiblissement des PMI en zone euro renforce les craintes d’une croissance atone au 3ème trimestre alors que le chômage continue de baisser Outre-Atlantique et que plusieurs indices d’activité continuent de se redresser, dans un contexte d’inflation tendant progressivement vers 2%..). Même si des rebonds techniques sont envisageables dans les semaines qui viennent en direction de 1.3200$, la tendance de l’euro devrait rester baissière à moyen terme.

Cette vigueur du dollar se mesure aussi face à d’autres devises comme le yen. La Banque du Japon a laissé la porte ouverte à de nouvelles mesures accommodantes, le Gouverneur expliquant que la « moitié du chemin » reste à faire vers l’objectif de stabilité des prix. Cette décorrélation forte entre la fin du quantitative easing de la FED et la poursuite de la politique monétaire accommodante de la BoJ devrait pousser le dollar à la hausse face au yen (au-delà de la zone des 110 yens).

Même constat face au franc suisse, le dollar se redresse nettement dans un contexte de détente du risque sur les marchés mondiaux (le CHF faisant office de valeur « refuge » au même titre que le yen), mais également dans un contexte où la Banque Nationale Suisse (BNS) hausse le ton contre le niveau jugé trop élevé de sa devise, face à l’euro notamment. Un porte-parole de la banque a récemment évoqué la possibilité de mettre en place des taux négatifs et d’acheter des devises étrangères en quantité illimitée pour lutter contre le renchérissement de la devise nationale. Cette situation devrait continuer à favoriser durablement la hausse du dollar face au franc suisse.

Toutefois ce constat d’évolution à sens unique du dollar face à plusieurs devises pourrait trouver ses limites face à la livre. En effet, au sein de la Banque d’Angleterre le débat s’intensifie sur la question de la date du premier relèvement de taux. Récemment, le Gouverneur Mark Carney a déclaré que « le moment où la banque devra relever ses taux se rapproche », évoquant notamment le risque de bulle immobilière et l’émergence possible de nouveaux risques liés à une situation de taux maintenus bas trop longtemps. Face à une FED qui hésite toujours sur la date de premier relèvement en 2015, la Banque d’Angleterre semble adopter un ton plus « hawkish », ouvrant la porte à une hausse dès le premier trimestre 2015. Le mouvement de hausse de la livre face au dollar, observé depuis la mi-2013, pourrait reprendre rapidement après l’épisode correctif observé depuis quelques mois.

Dernier élément permettant d’accréditer l’hypothèse d’un renforcement à moyen terme du billet vert, l’évolution du Dollar Index (indice calculé à partir de l’évolution du dollar face à un panier de plusieurs devises majeures telles que l’euro, le yen ou encore le franc suisse) qui, après avoir échoué en 2012 et 2013 au-dessus de 84.00, vient récemment d’enfoncer ce niveau pour accélérer à la hausse. Le prochain objectif technique se trouve au-dessus de 88.00, niveau précédemment atteint par l’indice en 2010…

Alexandre Baradez

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