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Analyse Forex : “L’euro pourrait continuer de se déprécier jusqu’à 1,20 dollar”

Analyse Forex : “L’euro pourrait continuer de se déprécier jusqu’à 1,20 dollar”




Café du Forex vous présente l’analyse mensuelle d’Eric Buffandeau, Groupe BPCE, sur le Forex et le marché des matières premières.

L’éventualité d’un ralentissement de la politique accommodante de la Fed semble de plus en plus animer animer les esprits. Qu’en pensez-vous ?

Après quelques doutes survenus en octobre sur la solidité de la croissance américaine, la publication d’indicateurs récents tend à confirmer qu’une reprise modérée mais durable est en marche. Celle-ci est fondée sur la reprise de l’immobilier résidentiel et l’investissement productif : créations d’emplois plus vigoureuses que prévu en octobre (201 000 dans le privé) ; poursuite en octobre du redressement des indices ISM manufacturier et non manufacturier ; progression du PIB de 2,8 % l’an au troisième trimestre (cependant, cette performance est due à une forte contribution des stocks à la croissance et à un freinage sensible de la consommation des ménages et plus encore de l’investissement productif).

C’est ce qui remet en lumière la question d’un éventuel tapering, le programme de réduction progressive des 85 milliards de dollars d’achats mensuels d’actifs effectués par la Réserve fédérale. De plus, la politique inédite de la Fed, tant par sa nature que par son ampleur et par sa durée, conduit à une accumulation dans son bilan de montants colossaux d’actifs. Cela ne peut durer indéfiniment. L’augmentation de son bilan, multiplié par 4 depuis 2008, induit non pas un risque d’inflation à court terme, mais des risques de bulles sur les obligations, sur les actions ou sur les matières premières, ainsi qu’une perte potentielle, à long terme, de crédibilité et d’indépendance de la politique monétaire.

La Fed doit donc déterminer le meilleur moment pour amorcer ce changement de stratégie, en fonction de l’évolution de la situation économique et de l’issue de la bataille budgétaire qui, rappelons-le, reste en cours jusqu’au 7 février 2014. En cas de relèvement du plafond de la dette et d’une amélioration avérée de la situation économique, la Fed pourra envisager plus précocement un retrait progressif des politiques non conventionnelles encore à l’œuvre, jusqu’à leur totale extinction. Elle devra prendre de grandes précautions en matière de rythme et d’effets d’annonce pour éviter des chocs de marchés, notamment un krach sur les obligations.

Comment le dollar se comporte-t-il dans ce contexte ?

Le remboursement des VLTRO (prêts à 3 ans de plus de 1 000 milliards d’euros arrivant à échéance début 2015) par les banques européennes saines, le report du tapering et la crise politique américaine ont accentué la dépréciation du dollar par rapport à la monnaie unique en octobre : 1,363 dollar pour 1 euro contre 1,335 dollar en septembre.

L’euro a bien évidemment bénéficié de la nette atténuation de la crise européenne des dettes souveraines, dans un contexte où la politique monétaire de la Fed est beaucoup plus accommodante que celle de la BCE. Il est vrai que le dollar pâtit du déficit extérieur structurel des Etats-Unis, alors même que la zone euro engrange des excédents commerciaux records, grâce aux exportations allemandes et au rééquilibrage des balances courantes des pays périphériques.

Mais l’euro, anticipant quelque peu la décision de la BCE du 6 novembre dernier de baisser à 0,25 % son principal taux directeur et à 0,75 % sa facilité de dépôt, a récemment commencé à s’affaiblir. La principale raison tient à la réapparition de craintes déflationnistes en zone euro, notamment en Grèce, en Espagne et au Portugal. Les prix européens ont en effet encore décéléré à 0,7 % l’an en octobre et dans la plupart des Etats membres, y compris l’Allemagne : 1,2 % en octobre contre 1,4 % en septembre. C’est d’ailleurs une conjonction de facteurs défavorables qui a probablement incité la BCE à agir : tendance à l’appréciation de l’euro, entraînant un impact négatif futur sur les prix ; désinflation et remontée induite des taux longs réels ; fragilité des banques, fragmentation financière, dégonflement mécanique du bilan de la BCE (remboursement des VLTRO) et contraction du crédit ; montée du chômage, attentisme, mollesse de la croissance et hétérogénéité structurelle des situations économiques selon les pays.

En conséquence, l’euro s’est naturellement déprécié face au dollar, le différentiel de rendements entre les deux banques centrales de part et d’autre de l’Atlantique étant ramené à zéro. Cependant, la monnaie unique demeure encore surévaluée, du fait du potentiel de croissance plus faible en Europe. L’euro pourrait continuer à baisser davantage jusqu’à un niveau de 1,32 dollar d’ici à la fin d’année et jusqu’à son juste niveau de 1,20-1,24 dollar d’ici à la fin 2014. Par ailleurs, face à l’amélioration de la conjoncture américaine, le dollar s’est également raffermi à nouveau contre les devises des pays émergents dont les comptes extérieurs sont en déficit.

La décision de la BCE était-elle censée provoquer une dépréciation plus rapide de l’euro ?

Tant que la Fed maintient son cap ultra-accommodant, l’action de la BCE ne peut conduire à une forte dépréciation de l’euro. De plus, le domaine du change ne relève pas des prérogatives de la BCE. Si elle intervient comme « prêteur en dernier ressort » pour “sauver l’euro” en allant souvent au-delà de son mandat, c’est uniquement à la condition que les Etats membres entreprennent les réformes structurelles nécessaires à une reprise économique durable. A ce propos, la France n’a pas amorcé lesdites réformes, ce qui a conduit à une dégradation de sa notation par Standard & Poor’s.

La BCE pourrait-elle prendre d’autres mesures ?

C’est probable, sous la forme de nouvelles mesures non conventionnelles, au-delà de l’utilisation de l’OMT (Outright Monetary Transactions), en cas de demande d’aide d’un pays au MES (mécanisme européen de stabilité). Le lancement d’une phase de stress tests sur les banques européennes peut l’inciter à renouveler une opération de LTRO à 5 ans pour aider les banques des Etats périphériques, par exemple à travers des allocations illimitées à 5 ans au lieu de 3 ans, subordonnées à une provision pour de nouveaux prêts aux PME.

La BCE peut également acheter des prêts au bilan des banques, des obligations sécurisées ou baisser le taux des réserves obligatoires. Cependant, une amélioration plus nette de la conjoncture européenne pourrait l’en dissuader, dans la mesure où elle a déjà décidé d’allouer de façon illimitée la liquidité au moins jusqu’en juillet 2015. Elle cherchera à éviter le piège de l’irréversibilité monétaire, sauf en cas d’émergence d’un processus avéré de déflation.

A l’heure où l’euro/dollar concentre toute l’attention, que devient la livre ?

Après un point haut atteint en juillet 2012 – 1 euro pour 0,79 livres – la livre s’était dépréciée face à l’euro jusqu’en juillet 2013 – 1 euro pour plus de 0,86 livres –  du fait d’une politique particulièrement accommodante d’achats de titres de la Banque d’Angleterre. Mais depuis l’été 2013, elle se redresse au vu de performances économiques britanniques supérieures à celle de la zone euro, malgré un déficit commercial record de 118 milliards de livres en rythme annuel en septembre 2013. Ainsi, la paire euro/livre tend à refléter davantage le différentiel de croissance entre les deux zones économiques.
De la même façon, une fois les incertitudes concernant la politique de la Fed dépassées, le cours de l’euro face aux autres monnaies pourrait évoluer plus en phase avec le différentiel de croissance à la fois réelle et potentielle entre les zones.

Observe-t-on des mouvements importants sur le cours de l’or ?

Le cours de l’or continue d’osciller légèrement autour des 1 300 dollars l’once. Le retour même timide et fragile de la croissance économique dans les pays avancés tend à limiter sa hausse et l’appréciation du dollar pèse traditionnellement sur les prix des métaux précieux.

Propos recueillis par Nadège Bénard