Eric Buffandeau, Directeur adjoint Direction Veille, Etudes & prospectives du Groupe BPCE nous livre sa vision sur la Chine et sa monnaie, le yuan.
La conjoncture chinoise est-elle inquiétante ?
Comme l’a montré la troisième panique boursière début janvier, la crainte d’un atterrissage brutal de la Chine reste au centre des inquiétudes. Ce pays a atteint un seuil critique de développement en terme de PIB par habitant, qu’il est difficile de franchir sans changer de modèle économique. De plus, sa performance antérieure a été gagée sur un endettement privé croissant (plus de 200 % du PIB en 2015, soit 87 points de plus qu’en 2007), qui n’a pas toujours servi à financer des investissements productifs et dont les conditions de solvabilité se sont dégradées. Cela a augmenté la vulnérabilité du système financier. Outre la tendance au retournement de l’investissement, les sorties de capitaux chinois se sont nettement accentuées depuis novembre dernier, même si elles ont ralenti en février. Ce phénomène inquiète, car la diminution continue des réserves de change (3 200 Md$ en février) fait redouter une dévaluation plus brutale du yuan.
Pour autant, le ralentissement économique resterait graduel, car l’activité est soutenue par des mesures d’assouplissement monétaire et budgétaire, de stimulation immobilière et de facilitation de l’accès au crédit, ainsi que par l’impact favorable de la baisse des prix du pétrole. De même, le poids du marché d’actions dans le financement de l’économie est très faible : à peine 5 % en 2015, seulement 7 % du patrimoine des ménages, d’où un risque limité de contagion à l’économie réelle. De plus, la Chine n’a pas intérêt à s’engager dans une guerre des changes, au moins pour ne pas nuire à sa zone privilégiée d’intégration régionale, d’influence monétaire et d’échanges commerciaux, l’Asean1.
Que dévoile le 13e Plan quinquennal 2016-2020 ?
Ce 13e Plan a formellement donné la priorité au développement économique et à la poursuite des réformes structurelles. Il insiste aussi sur la stabilité politique et sociale et l’intégrité territoriale, voire sur le déploiement de la nouvelle route de la soie. Les objectifs de croissance sont très ambitieux : de 6,5 % à 7 % en 2016 et au moins 6,5 % par an d’ici à 2020. Pour y parvenir, les politiques monétaire et budgétaire demeureront plutôt expansionnistes, au détriment, probablement, du processus de désendettement. En particulier, le déficit public atteindrait 3 % du PIB en 2016 (2,5 % en 2015). De même, la consommation privée sera renforcée, notamment par l’accélération du taux d’urbanisation à 60 % en 2020. Les services représenteront 56 % du PIB en 2020. Enfin, la Chine souhaite moderniser l’appareil productif, tout en réduisant les surcapacités productives dans les entreprises d’Etat et dans l’industrie lourde.
Ce plan ne peut rassurer qu’en partie l’Occident, d’autant que ses modalités d’application manquent de précision. En particulier, son déroulement sera freiné par le processus indispensable de désendettement des entreprises et la décélération de l’investissement. La gestion de la transition sera vraisemblablement complexe et délicate, compte tenu, d’une part, des inégalités socio-spatiales et d’autre part, de la difficulté de passer sans heurts d’une fabrication bas de gamme à une économie fondée sur la connaissance.
Quelles sont les motivations de la Chine en matière de change ?
La motivation de la Banque centrale de Chine est probablement de modifier son régime de change, pour le rendre plus flexible, même s’il reste administré. Le yuan intégrera d’ailleurs, à partir du 1er octobre 2016, le panier des 13 devises des droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international. Cette intégration entre pleinement dans l’objectif d’internationalisation accrue de la monnaie chinoise, en créant les conditions d’une diffusion plus importante de cette devise à l’étranger, en poussant en particulier les autres banques centrales à en détenir davantage dans leurs réserves de change.
De plus, les autorités chinoises veulent a priori éviter une dépréciation excessive du yuan, afin d’imposer progressivement un rééquilibrage structurel du système économique vers la demande interne et les services, tout en rendant plus évidente la nécessité d’une montée en gamme des exportations, par le biais d’une politique de différenciation des produits et services, grâce à l’innovation. Cependant, le yuan, qui n’a baissé que de 5 % face au dollar, pourrait encore diminuer d’au moins 10 % compte tenu de son appréciation antérieure de 15 % en change effectif réel, de la libéralisation des marchés de capitaux chinois et de la décélération économique du pays.
Eric Buffandeau
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1 L’Asean (Association of Southeast Asian Nations) comprend les pays suivants : Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Singapour, Brunei, Philippines, Cambodge, Laos, Birmanie, Vietnam.