L’explosion de la demande internationale de soja profite au Brésil, qui devient un concurrent sérieux du leader historique américain.
Dans quelle mesure les Etats-Unis ont-ils dominé le marché du soja sur la décennie ?
Les Etats-Unis ont dominé le marché du soja jusqu’en 2012. Il y a 10 ans, la production et les exportations américaines étaient 1,5 fois supérieures à celles du Brésil. Depuis 2 ans, le Brésil rattrape les Etats-Unis sur des niveaux de production équivalents, autour de 90 millions de tonnes. En termes d’exportations, le Brésil est un concurrent sérieux pour les Etats-Unis avec plus de 40 millions de tonnes.
Pour quelles raisons cette matière première agricole devient-elle de plus en plus recherchée ?
L’augmentation de la consommation de soja est principalement liée aux changements des habitudes alimentaires des pays émergents, qui voient les régimes carnivores se développer. Conséquence : une explosion de la demande en tourteaux de soja, à la base de l’alimentation animale. Le soja est également recherché pour son huile, utilisée dans les secteurs de l’énergie. Aux Etats-Unis par exemple, pays le plus avancé sur cette question, 50 % de la production de graine de soja est transformée en huile et 25 % de cette huile est transformée en biodiesel.
Les Etats-Unis ont-ils les moyens d’augmenter leur production ? Dans quelles proportions le Brésil peut-il lui y parvenir ?
En termes de rendements, la tendance reste haussière dans les deux pays. Mais au contraire du Brésil, qui peut gagner de la surface agricole en déforestant, les Etats-Unis sont plus limités. L’expansion du soja aux Etats-Unis se fait donc au détriment d’autres cultures.
Par ailleurs, le Brésil peut réaliser deux voire trois récoltes dans l’année alors que les Etats-Unis sont limités à une ou deux s’ils associent cycle court et cycle long (dans les régions les moins septentrionales).
Comment le prix du soja a-t-il évolué sur la décennie ?
Depuis 10 ans, la tendance à la hausse est notable : alors qu’à l’été 2004, le boisseau de soja s’échangeait 5,5 $, il se vend aujourd’hui à 14 $. La consommation tire la production.
Quelle augmentation de production serait-elle nécessaire pour que les tensions sur les prix s’apaisent ?
Etant donné l’accroissement de la demande, une baisse durable et importante des prix du soja n’est pas envisageable. Des baisses ponctuelles de quelques dollars sont possibles, mais sans retour aux prix de 2004 car, encore une fois, la consommation progresse continûment.
Quels autres pays pourraient s’imposer dans la production de soja ?
En Amérique du sud, le Paraguay et l’Uruguay voient leur production augmenter et ces pays comptent dans la production sud-américaine, même s’ils sont loin des volumes produits par l’Argentine et le Brésil. L’Ukraine se positionne également sur le soja. Ce pays produit aujourd’hui « seulement » 3 millions de tonnes, mais les 2 millions de tonnes qu’il exporte représentent 2 % des exportations internationales. Et il n’est pas exclu de voir la production de soja exploser dans les années à venir, comme pour le maïs il y a quelques années. Rappelons qu’en un an, l’Ukraine avait doublé sa production de maïs et triplé ses exportations, devant un acteur majeur sur le marché international. Le contexte socio-politique que le pays traverse sera bien entendu un facteur à prendre en compte dans les évolutions de surfaces produites en Ukraine.
Propos recueillis par Nadège Bénard